Francisco Contreras alias Super Paco Un coureur (extra) ordinaire
- Le Coureur Ordinaire
- 11 août 2018
- 5 min de lecture
Son nom ne vous dit sans doute rien, il ne fait parti d'aucun team, ne s'entraine finalement pas tant que ça, finit régulièrement en fin de classement et pourtant ... Ce 12 Mai 2018, alors qu'il vient de franchir la ligne d'arrivée des 101 km marche de Malaga en un peu plus de 23h, c'est une longue file de supporters qui l'applaudit, les portables sont de sortie pour immortaliser le moment et tous ici pensent vivre un moment incroyable.
Mais qui est donc ce coureur ordinaire ?

Francisco Contreras Padilla alias "Super Paco" est né le 23 Mars 1938 à Cártama et vit à Almogía, des communes voisines de la province de Malaga. Nés de parents agriculteurs, passionné de lecture, il rêve dans sa jeunesse de devenir médecin, mais dans cette Espagne Franquiste les temps sont durs et il n'a pas d'autre choix que de commencer à travailler très jeune. Il travaille donc pendant près de 30 ans dans l'industrie du coton chez "Industrias Textiles del Guadalhorce" devenue "Intelhorse", une entreprise de textile située à Malaga. Jusque là rien ne prédestine notre "Super Paco" à devenir la "Star" qu'il est devenu et surtout rien à voir avec la course à pied.
Dans les années 2000, alors âgé d'une soixantaine d'années, un médecin lui diagnostique un taux de cholestérol trop élevé. A cette époque, Francisco Contreras n'est pas au sommet de sa forme : il vient en effet de perdre sa femme et souffre d'insomnie depuis de longues années. Ne souhaitant pas se gaver de médicaments, son médecin lui recommande de pratiquer une activité sportive et sur les conseils d'un de ses fils ultra-trailer, il décide de se mettre à la course à pied. Après tout dans sa jeunesse Francisco avait l'habitude de parcourir de (très) longues distances. En effet, né dans un village très reculé, il lui arrivait de parcourir durant la guerre 30 à 40km avec son père, à travers la montagne, pour aller chercher du pain ou faire les courses; alors ce n'est pas un petit footing de temps en temps qui va le tuer et Il va rapidement se prendre au jeu ...

C'est en 2005 qu'il accroche pour la première fois un dossard et en 2006 (à 68 ans) le voilà déjà prenant le départ des 101km (3000d+) de Ronda qu'il finit tranquillement. Francisco le sait bien, à son âge il ne peut pas courir bien vite et il ne progressera pas dans ce domaine, en revanche, les kilomètres ne lui font pas peur et le temps qu'il met ne lui importe peu puisqu'il court sans montre ... Au fil du temps il prendra le départ de plus d'une centaine de courses en tout genre, allant de 21 km pour les plus courtes jusqu'a 215 km lorsqu'il fera la "Volta a la Cerdanya" en 2013. Plutôt en marchant qu'en courant, Francisco aime prendre son temps et sa philosophie est simple : "l'important est de commencer et de finir". Alors certes, courir ce genre de distance à cette âge canonique est impressionnant, mais est-ce vraiment la seule raison de tout cet engouement pour lui ? Pas tout à fait ...

Francisco Contreras est un original et c'est de là que vient toute l'attention qui lui est portée ! A tel point que les organisateurs du monde entier n'hésitent pas à l'inviter et à lui offrir son inscription. Malheureusement, à cause de son âge un petit peu avancé il est obligé de se raisonner et de ne sélectionner que certaines courses et si possible, celles plutôt à proximité de chez lui. Alors qu'à-t-il de plus que vous et moi ? Et bien ... Tout en lui est différent des normes de la course à pied. Vous en connaissez un rayon : la fréquence de l'entrainement, son contenu, les allures, la récupération, la nutrition le matériel etc ... en trail et en ultra-trail absolument TOUT est primordial et RIEN ne doit être laissé au hasard. Et bien notre Francisco fait à peu près tout le contraire...
Son entrainement d'abord se compose d'une seule séance par semaine où il part en montagne, de nuit, faire une quarantaine de kilomètres à n'importe quelle allure, selon l'envie et la forme du moment. Cette sortie longue peut lui prendre entre 7h et 20h. Ce sera son seul entrainement de la semaine, même si, il part tout de même faire de la randonnée chaque jour que dieu fait. De plus il travaille également chaque jour dans son champ. Ce qui à pour effet de le maintenir dans un état de forme étincelant.
Son équipement quant à lui est ... comment dire ? Détonnant ! Francisco Contreras participe à toute ses courses en chemise à manches longues en coton, pantalon de travail, chaussures de randonnée Decathlon, chapeau de paille sur la tête et un bâton de bois dans chaque main pour soulager ses genoux vieillissant ... La légende qu'il est devenu vient en très grande partie de là ! Difficile de passer inaperçu avec un tel accoutrement à tel point que de nombreux supporters sur le bord des routes demandent régulièrement ce que fait ce vieillard en tenu de paysan au milieu des coureurs tout de marketing vêtu ?!
Jusque dans son alimentation, notre farfelu se différencie du reste du peloton. A la maison il ne mange pas de pâtes car il n'en avait pas dans l'assiette lorsqu'il était petit. Habitué à manger les légumes de son champ, le nombre des années n'a pas changé ses habitudes. En course, ne lui parlez pas de gels, il ne sait même pas ce que c'est ... Il ne mange pas non plus de barre de céréales car il ne les digère pas... Non, il se nourrit que de noix en tout genre et de fruits secs. Il embarque également des sandwiches qu'il prépare à l'avance à la maison, mais attention sans porc ! Et oui, cholestérol je vous ai dit !
Niveau hydratation, il boit ... de l'eau ... mais attention pas celle du robinet ! C'est peut-être la seule exigence qu'il se permet, il va jusqu'au village le plus proche (à pied évidemment) afin de remplir des jerricans d'eau de source à la fontaine, cette eau ayant la réputation d'être excellente pour la santé.

Dans un sport de plus en plus mercantile et à l'heure où les grand noms du trail et de l'ultra-trail abusent de concepts marketings pour nous faire acheter le dernier t-shirt technique sans lactose, le dernier sac à dos sans gluten, les dernières chaussures véganes ou encore les gels garantis sans bisphenol, Francisco Contreras nous rappelle que "la préparation importe plus que l'équipement". Bien trop de coureurs (moi y compris, ne me prenez pas pour un donneur de leçon !), accordent trop d'importance à leur équipement ou même à leur entrainement laissant parfois un peu trop de côté la notion de plaisir, de découverte et même d'aventure propre à la course à pied. A méditer.
Sachez pour finir que le compte fan Facebook de Francisco Contreras compte plus de 20 000 abonnés et que parmi ses plus grands fans se trouvent un petit bonhomme d'origine Catalane qui répond au doux nom de Kilian Jornet !

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