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Shizō Kanakuri, recordman du Marathon ... le plus lent de l'Histoire

  • Photo du rédacteur: Le Coureur Ordinaire
    Le Coureur Ordinaire
  • 5 août 2018
  • 5 min de lecture

Peut-être avez-vous déjà eu la chance (et le courage) de courir et de terminer un marathon. Il est possible aussi que vous soyez (à tort) un petit peu déçu par votre temps final. Mais rassurez-vous, vous avez sûrement fait bien mieux que notre ami Japonais, qui aura terminer le marathon de Stockholm de 1912 en un peu de plus de ... 54 ans ! Retour sur l'histoire incroyable de Shizō Kanakuri ...


Shizō Kanakuri au départ en 1912 et à son arrivée en 1967

"Mais dis-donc, est-ce qu'il aurait pas un petit peu picoler notre cher chroniqueur ordinaire" ? Vous demandez-vous sûrement. Et bien ... non, rassurez-vous l'histoire que je vais vous raconter maintenant n'a rien à voir avec une quelconque absorption d'alcool d'aucune sorte et n'est pas non plus issue de mon imagination féconde ni de mon cerveau malade. Mais alors comment expliquer le fait d'avoir couru un marathon à une allure moyenne d'environ 9 cm/heure ? Reprenons les faits depuis le début.


Notre histoire commence le 14 Juillet 1912 lors de la 5ème édition des jeux olympiques et prends place dans le "Stockholms Olympiastadion", mythique stade suédois qui à la particularité d'être encore aujourd'hui le stade où ont été battus le plus grand nombre de records du monde (83) et dont notre Pierre de Coubertin national dira : "Ce stade olympique avec ses ogives et ses tours, sa perfection, le bon ordre, la méthode de ses règlements semblait un modèle du genre". Rien que ça ! Bref. Ce jour-là se déroule l'épreuve du Marathon, sous un soleil de plomb, le thermomètre affichant 32°c au départ pour atteindre 40°c au plus chaud de la course. Sur la ligne de départ les 68 coureurs alignés arborent tous un chapeau ou une serviette sur la tête afin de se protéger tant bien que mal de la chaleur. Parmi ces coureurs on trouve Kennedy "Kenneth" Kane McArthur (photo), coureur Sud-Africain d'origine britannique, le futur vainqueur de l'épreuve qui s'imposera en 2h36min54s. Mais celui qui nous intéresse n'est pas le vainqueur mais plutôt l'ultime arrivant de l'épreuve : notre fameux coureur japonais : Shizō Kanakuri.



Remettons les choses dans leur contexte : Shizō Kanakuri n'est pas exactement un coureur lambda, malgré ce que sa bien piètre performance pourrait laisser croire. Agé de 21 ans, mesurant 1m70 pour 64kg, il s'est qualifié pour ces jeux olympiques en remportant l'épreuve de sélection sur 25 miles (40 km environ) en 2h32min30s soit une moyenne de 15,88km/h (3'46/km). Jusque là rien qui pourrait expliquer une telle lenteur. Un premier élément de réponse pourrait être apporté en regardant le trajet effectué pour arriver jusqu'à la capitale suédoise : 18 jours de voyage, par la mer puis par le transsibérien. Il arrive exténué et mettra 5 jours pour (tenter de) s'en remettre. A priori ce ne sera pas suffisant.


On n'a que très peu d'information sur la course en elle-même mais voilà ce que l'on sait : il prend le départ avec, en guise de chaussures, des "tabi", des chaussures en toile à deux doigts encore portées par certains travailleurs sur les chantiers de construction. Arrivé au 30ème kilomètre (certaine source parle du 27ème km), Shizō Kanakuri, assommé par la chaleur, probablement en hyperthermie, repère sur le seuil d'une maison un homme buvant tranquillement un jus de fruit. Ereinté de fatigue, ne tenant presque plus debout, il prie les habitants de lui apporter un verre d'eau. Le voyant au bord du malaise ils lui proposent de s'allonger un moment sur un petit lit de fortune histoire de récupérer. Shizō, s'exécute, s'allonge, s'endort et ne se réveillera que le lendemain matin ... A son réveil, il réalise ce qui vient de se passer et se morfond de honte. Il se sent déshonoré et pire encore pour lui il a déshonoré son pays. Il ne sait plus quoi faire : informer le comité olympique serait avouer son échec, mais ne rien dire et rentrer au pays avec comme seules affaires sa tenue de course à pied ne laisserai aucun doute, là encore, sur son échec à son arrivée au Japon. Ses hôtes d'un jour parviennent à le convaincre de rentrer au Japon en lui offrant une tenue civile afin de garder son anonymat et rentrer sans encombre à la maison. Le comité ne sera jamais prévenu de son abandon.


Du côté du comité olympique justement, s'est un peu l'affolement. D'autant que ce marathon vient de connaître un drame : parmi les 68 partants il y a 32 abandons et parmi eux le Portugais Francisco Lázaro (photo) qui s'est effondré lui aussi aux alentours du 30ème kilomètre à été conduit à l'hôpital dans un état grave. Le médecin diagnostiquera une méningite causée vraisemblablement par un violent coup de soleil. Après un léger mieux grâce à des injections d'eaux salées, son état empirera de nouveau et dans un ultime délire où il mimera les mouvements d'un coureur sur son lit d'hôpital, il sera déclaré mort le 15 Juillet à 6h20. Il était agé de 21 ans. De son côté Shizo Kanakuri sera déclaré "disparus", une première dans l'histoire des jeux olympiques.


50 ans plus tard, en 1962, un journal suédois, décide de préparer l'anniversaire des Jeux Olympiques de 1912 et cherche pour se faire à retrouver les athlètes ayant marqué cette édition. C'est ainsi qu'il retombe sur cette histoire de Japonais disparu et qu'il commence à chercher la trace de celui-ci. La tâche ne sera pas bien difficile puisque Shizō Kanakuri à participé aux deux olympiades suivantes dans l'indifférence générale, d'abord lors du marathon des Jeux d’Anvers en 1920 (où il finit 16ème) puis celui des jeux de Paris en 1924 (abandon). En 1967, alors âgé de 75 ans, il reçoit un étrange courrier : le comité national olympique de Suède l'invite aux célébrations du 55ème anniversaire des jeux olympiques de 1912 où une surprise lui sera réservé. Honoré, il accepte.


A la recherche de financements, le Comité National Suédois ayant besoin de fond pour envoyer ses athlètes aux prochains jeux olympiques mexicains de 1968, il est décidé d'organiser un évènement qui ferait se déplacer un maximum de médias afin de faire le "buzz" déjà à l'époque. Le climax de ces célébrations sera de faire terminer son marathon à Shizō Kanakuri, ce qu'il accepte de faire.


C'est ainsi que Shizō Kanakuri coupera enfin la ligne d'arrivée tout sourire, après avoir couru sur quelques centaines de mètres.

Son temps ? 54 ans 8 mois 6 jours 5 heures 32 minutes 20 secondes et 3 dixièmes

Il est alors âgé de 75 ans.


Il déclarera :"C'était un long voyage. Sur le chemin, je me suis mariée, j'ai eu six enfants et 10 petits-enfants. " Il décédera le 13 Novembre 1984 à 93 ans et restera connu dans son pays comme "le père du marathon japonais", et accessoirement comme le recordman du monde du marathon le plus lent de l'Histoire !

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