Autopsie d'un marathon réussi
- Le Coureur Ordinaire
- 14 mai 2018
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 15 mai 2018
Mon marathon de Marseille 2017 s'était soldé par un échec, celui de Genève 2018 par une réussite. Entre ces deux évènements il y a un an et surtout tout un tas de changement dans la préparation. Revenons en détail sur ces changements et tentons de les analyser en 5 points.

Attention ! L'analyse suivante n'est pas un remède miracle pour réussir son marathon. Ce qui marche ou ne marche pas pour moi ne correspond pas forcément à chaque coureur et coureuse !
Le contexte :
Le marathon de Marseille, c'est mon deuxième marathon. Il s'était soldé par un échec. Couru en Mars 2017, l'objectif de départ était de faire 3h15 (4:37/km). Un premier semi couru en 1h37min30s donc parfaitement dans les temps et une bonne explosion en plein vol avec un deuxième semi traversé en zombie en près de 2h (5:41/km) pour un résultat final de 3h37min31s. Ce marathon de Genève était pour moi l'occasion de remettre les points sur les i.
Commençons par le commencement : la date de la course
Marseille 2017 :
Le marathon de Marseille à lieu en Mars. Le plan d'entrainement que j'avais mis en place durant 12 semaines j'avais dû rependre l'entrainement tout de suite après les fêtes de fin d'année sans marquer de coupure entre la fin 2016 et le début 2017. Je n'avais pris qu'une seule semaine de repos entre noël et le jour de l'an.
Genève 2018 :
Le marathon de Genève à lieu en Mai. 2 petits mois d'écart qui font une grande différence. Cela m'a permis de laisser passer les fêtes et d'ajouter encore une semaine de repos total avant la reprise de l'entrainement. De plus je n'ai pas commencé immédiatement le plan d'entrainement mais j'ai pris le temps de faire une reprise plus tranquille, m'autorisant des séances avec des copains sans autre but que celui de me faire plaisir et d'envoyer au diable la progression coûte que coûte.
Deuxièmement : la planification de la saison
Marseille 2017 :
Avant le marathon de Marseille je ne m'étais aligné que sur 5 compétitions entre Septembre 2016 et Mars 2017 : deux 10 km, courus respectivement en 40min32s et 38min42s (RP), un 20 km (1h25min25s) et un 14 km (55min45s). Enfin, un mois avant l'échéance j'avais couru un semi de préparation en 1h29min06s. Concrètement, ma saison avait donc été scindée en deux, une première partie ou j'avais travailler énormément la vitesse et les distances courtes avant de progressivement basculer vers de plus longues distances et le travail de l'endurance.
Genève 2018 :
Non pas 5 mais 7 compétitions cette fois-ci avant d'arriver, il faut le dire, un peu fatigué au marathon de Genève. Mais surtout une saison programmée dans l'autre sens : une première partie basée sur l'endurance et les longues distances (préparation de la SaintéLyon oblige) avant de se mettre au boulot sur la vitesse sur la deuxième partie. A noter également ma participation à des trails ce qui n'avait pas été le cas l'année précédente où je m'étais contenter de m'aligner uniquement sur des courses sur route. Là où en 2017 je n'avais pas dépassé la distance semi-marathon, j'ai cette fois-ci notamment couru un 40 km en Octobre, 72km (1900D+) en Décembre mais aussi un 35km (1400D+) à 1 mois du marathon.
Troisièmement : le plan d'entrainement
Marseille 2017 :
Plan d'entrainement sur 12 semaines avec 4 séances par semaines avec pour objectif 3h15 disponible sur le site runners.fr , que j'avais suivi véritablement à la lettre et à la virgule près. Me forçant à courir les séances à jeun lorsque c'était spécifié, malgré des sensations plus que désagréable et avec du recul totalement inadapté pour moi.
Genève 2018 :
Exactement le même plan mais cette fois-ci avec quelques libertés de prises. Pas de séances à jeun, des séances de côtes modifiées pour être plus longues mais moins violentes. J'ai aussi laissé passer quelques séances lorsque la forme et/ou l'envie n'était pas de la partie. Dans l'ensemble je me suis moins forcé, mettant le plaisir en avant plutôt que le travail pur et dur.
Quatrièmement : l'approche psychologique
Marseille 2017 :
L'approche de la préparation et de la compétition aurait pu se résumé en un seul mot : outrecuidance. Je m'étais mis dans une bulle, niant les signes pourtant bien visible d'un entrainement trop dur, d'une charge de travail trop importante et d'un égo peut-être un peu trop imposant. La confiance en soi est, d'après moi, une lame à deux tranchants : elle peut te permettre de déplacer les montagnes mais elle peut aussi t'aveugler. Cela à été mon cas. Je suis arrivé sur la ligne de départ avec absolument aucun doute sur la réussite de l'objectif. Je ne pensais qu'à "valider" le travail fait à l'entrainement en me contentant de tenir mes temps de passages pendant 42 km comme je le faisais lors de mes séances d'allures spécifiques. Facile... C'est pourquoi lorsqu'à mi-parcours mon corps m'a lâché, je n'ai trouvé aucune solution puisque c'était une éventualité qui ne m'avait jamais effleuré l'esprit. Que des questions et pas de réponse pendant 21 km je peux vous assurer que c'est long, très long...
Genève 2018 :
"Celui qui a fait naufrage redoute la mer même tranquille". C'est avec ce proverbe que j'ai entamé ma préparation. Se préparer sérieusement : oui, mais ne pas croire que finir son plan d'entrainement entrainera forcément la réussite de l'objectif. Si la course à pied était une science exacte, cela se saurait. J'ai décidé d'avoir une approche différente cette fois-ci et finalement, me dire que je n'étais qu'un coureur ordinaire avec ses lacunes et ses faiblesses m'a finalement libéré. Au fond 3h15 ou 3h30 c'est avant tout un record battu et peu importe si le chrono est moins clinquant, je suis de toute façon à des années lumières des meilleurs et je suis déjà un "héros" aux yeux de ceux qui m'aiment et qui n'y connaissent rien à la course à pied. Que demander de plus ? Idem sur la ligne de départ ou j'étais tiraillé entre deux sentiments : la confiance et la peur. Confiant, parce qu'avec un objectif moins ambitieux je me laissais plus de chance de réussite. Peur, car je savais que l'échec pouvait faire parti de l'équation. Et de la confiance et de la peur nait le courage : avoir peur et y aller quand même c'est comme ça qu'on réussit un marathon.
Dernièrement : hydratation et nutrition
Marseille 2017 :
Là encore approche totalement scolaire avec publicité et marketing en plus. Pour être un "vrai" marathonien je me suis dit qu'il fallait manger comme un marathonien. Donc plusieurs semaines de viandes blanches et de féculents, plus de dessert ni d'alcool, plus d'excès d'aucun genre, 3 jours de maltodextrine avant la compétition, un gâteau sport au petit déjeuner (totalement immangeable avec le manque d'appétit dût au stress), boisson d'attente quelques heures avant le départ (et donc grosse envie de faire pipi car pas habitué à boire autant), un gel tous les 5 km (totalement aberrant quand j'y repense) avec son lot d'écoeurement et de rebonds glucidiques que cela entraine. Bref le mieux est l'ennemi du bien. Une mauvaise assimilation alimentaire est capable de mettre à plat n'importe quel coureur aussi bien préparé soit-il. Et c'est sûrement ce qu'il s'est passé ce jour-là, De plus, repenser à toutes ses privations durant la deuxième partie de la course n'a fait qu'augmenter le sentiment d'un formidable gâchis ...
Genève 2018 :
Un peu de réflexion et de bon sens : lors de ma préparation il m'arrive de faire tout de même de bonnes grosses séances allant jusqu'à 2h30 pour environ 28/30km. Ces séances-là je les cours après un petit déjeuner classique (un bol de coco pops pour ceux que ça intéresse, un café et un jus d'orange...), en emportant en tout et pour tout que quelques barres de pâte d'amande et de fruits. Ces séances se déroulent en général plutôt bien. Rares sont les fois où j'ai vraiment terminé sur les rotules et surtout jamais je n'ai ressenti la faim ou un manque d'énergie dut à une baisse de glycémie. Pourquoi faire autrement et changer drastiquement ses habitudes en prenant part à un marathon ? Je me suis tenu à mes habitudes : un bol de coco pops, un café, un jus d'orange et pour la course des pâtes d'amandes et de fruits. Et miracle, les sensations ont été les mêmes que lors de mes sorties longues. On ne change pas une équipe qui gagne.
Conclusion : un mal pour un bien
Ce qui ressort de cette analyse est paradoxal : je me suis finalement moins bien préparer et je suis parti moins confiant et j'ai pourtant mieux réussi. Alors quelles leçons en tirer ?
Mentalement je m'attendais à toutes éventualités et je pense que c'est le moteur de ma réussite : ne pas trop y croire, ne pas être trop confiant, ne pas croire que le travail est fait. Mais aussi, se laisser le droit de douter, se dire qu'il y a une possibilité d'échec, savoir que tout ne va pas exactement marcher comme on l'espérait. Savoir anticiper les difficultés c'est avoir un coup d'avance.
Egalement, ne pas changer ses habitudes c'est se mettre à l'abri de l'imprévu. Ce qui marche à l'entrainement tout au long de l'année marchera le jour d'une course importante. Il faut bien entendu faire quelques ajustements à l'approche de l'échéance mais le changement entraine l'inconnu et l'inconnu entraine le doute. Et il n'y a rien de pire que le doute pour un coureur.
Enfin, il y a ce "je ne sais quoi". Ces petits riens qui font qu'une course se passe mal ou bien. La chance, le destin, le hasard, les aléas ou que sais-je.
Retenez simplement que tomber est permis mais que se relever est ordonné
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