Harmony Genève Marathon for UNICEF Compte rendu
- Le Coureur Ordinaire
- 12 mai 2018
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 14 mai 2018
Lors de mon dernier marathon, couru à Marseille en mars 2017, tout ne c'était pas exactement passé comme je l'espérais, loin de là. Cette édition 2018 du Marathon de Genève devait être l'occasion de remettre les point sur les i. Pour cela j'ai changé une bonne partie de ma préparation habituelle. Alors, réussite or not réussite ?

19 Mars 2017, je viens de franchir la ligne d'arrivée du Marathon de Marseille avec plus de 20 minutes de retard sur mon objectif. Dans ma tête, c'est le grand désordre, les questions et les sentiments se mélangent : déception, incompréhension, dégout ... bref, un imbroglio d'idées négatives me transperce l'esprit. Il faut se rendre à l'évidence : j'ai échoué. Mais à peine quelques minutes après avoir passé cette foutue ligne d'arrivée c'est un autre sentiment qui m'envahit : l'envie de prendre sa revanche ! Et me voilà déjà en train de planifié mon prochain marathon et de tirer les enseignements de cet échec.
Prendre sa revanche, pour moi, passe par deux axes : réussir son objectif et prendre du plaisir
Avant le départ :

Voilà à quoi je pensais ce dimanche 6 Mai 2018, dans mon sas de départ du marathon de Genève 2018. Le regard dans le vague, concentré et prêt à en découdre avec ce ruban de bitume d'un peu plus de 42 km qui se dressait devant moi. "Prendre sa revanche" pour moi cela passe par deux axes : réussir son objectif et prendre du plaisir.
Pour l'objectif, il a pas mal changé au court de la préparation : j'envisageais 3h15 en début d'année avant de me rendre à l'évidence que ce ne serait pas pour tout de suite, je m'arrête donc sur 3h20/3h25, mais les dernières semaines d'entrainement pour le moins chaotiques (douleurs articulaires et surplus de travail venant jouer les trouble-fête) je vise finalement 3h25/3h30.
Pour le plaisir, j'ai décidé tout au long de la préparation d'être moins exigeant avec moi-même et donc de me permettre plus de liberté sur l'entrainement, la préparation en général et enfin le jour de la course. Je décide notamment de ne pas me focaliser sur le chrono comme je l'avais fait lors de mon précédent échec où j'avais coûte que coûte tenté de respecter les temps de passages que m'imposait mon objectif de 3h15 pour finalement exploser à mi-course et traverser la seconde partie de course en zombie, l'esprit gavé d'idée noire (et finir à 20 min de mon objectif). Je retiens cette fois-ci qu'il me faut juste rester entre 4:51/km et 5:00/km pour arriver à mes fins.
Le départ va bientôt être donné, je suis concentré, les sensations ne sont pas particulièrement bonnes, je ne sens pas particulièrement affûté et prêt, mais c'est finalement une bonne chose : aujourd'hui ça va être dur, je le sais, je le sens, je suis prévenu. Le coup de feu retentit, ça va piquer ...
La course :
9h45, le départ est donné ! Il y a beaucoup de monde et je dois un peu courir avec le frein à main. Je me force à ne pas zigzaguer et à ne pas changer de rythme, ce qui se révèle être une torture pour moi : j'adore les débuts de course où il faut un peu jouer des coudes et faire preuve d'anticipation pour slalomer entre les coureurs plus lents afin de perdre le minimum de temps. Mais je me répète dans la tête que la course est longue et qu'il ne faut pas laisser des plumes sur la première partie de course. Donc je me tiens sage sur les premiers kilomètres attendant que l'horizon se dégage (ce qui arrivera rapidement) et que je puisse commencer à prendre un rythme le plus régulier possible.
J'ai décidé de découper mentalement ma course en 3 parties de 14km : la première partie devra être la plus facile, celle où je dois perdre le minimum d'énergie, la deuxième partie devra être celle où je "fais le travail", gratter les secondes perdues s'il le faut, prendre un rythme le plus régulier etc ... et la troisième partie sera celle ou il faudra serrer les dents (ou les fesses (ou les deux)) pour terminer dans le temps imparti.
Cette première partie se déroule donc sans histoire : comme prévu, les sensations ne sont pas particulièrement bonne, mais les kilomètres s'enchainent tranquillement et l'ambiance est bonne. Ravitaillements aux 6ème, 10ème et 13ème kilomètre : un gobelet d'eau à chaque fois (il fait déjà très chaud) et une barre à la banane à la 45ème minute de course.
Le 14ème kilomètre passe en 1h07min31s soit 12,44 km/h et 4:49/km. Pour l'instant tout va bien, je suis dans les temps.
La deuxième partie commence sous une chaleur que je trouve déjà écrasante, ça promet pour la suite ... Mais je me sens bien, en bon diesel que je suis, je me sens même mieux au fur et à mesure des kilomètres. Aux abords de la route, il y a de l'ambiance : des applaudissements, des enfants qui ne demandent qu'à ce qu'on leur tape dans la main,

des musiciens et des DJ venus mettre en musique notre dur labeur, un parcours à la campagne au calme, je commence à me dire que ça à un petit goût de bonheur cette histoire ! Malgré tout j'appréhende la mi-course, ce fameux 21ème kilomètre ou tout s'était écroulé à Marseille, donc je reste sur la défensive et me force à ne pas me laisser parasiter par l'euphorie ambiante. Je dois arriver au semi en 1h45 maximum, je regarde le panneau puis ma montre : 1h41min18 soit 12,50km/h et 4:48/km. J'ai 3min40s d'avance sur sur mes temps de passage des 3h30. Plutôt bien, mais je me force à ne pas trop réfléchir, attendons le 28ème kilomètre, les 2/3 de la courses pour commencer à tirer des conclusions. La chaleur commence à vraiment me taper sur la tête et je transpire à grosses gouttes, certaines me coulent dans les yeux et me brule, j'espère avoir assez bu lors des premiers ravitaillements pour ne pas me retrouver en déficit d'eau sur la dernière partie de course ... Le 28ème kilomètre arrive enfin :
Le 28ème kilomètre passe en 2h14min56s soit 12,45 km/h et 4:49min/km. Métronomique. Enfin .... avant le début des problèmes.

La troisième partie commence par un énorme coup de bambou. A peine quelques centaines de mètres après le panneau 28km, mes jambes se coupent, la chaleur est étouffante (28°), je sens mes battements de coeur dans les tempes et j'ai les jambes raides. Pas cool ! Bon, j'ai déjà vécu ça à Marseille, je connais ces symptômes même si je ne suis pas sûr du traitement. Récapitulons : ne pas paniquer, positiver, marcher un peu, positiver, reprendre son souffle, positiver, se détendre, positiver, boire, positiver, attendre que ça revienne et enfin, positiver. Et miracle : ça marche ! Bon, c'est pas la grande forme mais j'arrive à garder à peu près le rythme comme ça jusqu'au ravitaillement du 32ème kilomètre. Un verre de boisson énergisante et deux de verres d'eau claire, je marche un peu, râle un peu, et reprends la route, je me suis un peu refait la cerise. Je commence les calculs dans la tête (pas bon ça ...) si je perds 10 secondes par kilomètre jusqu'à l'arrivée alors ... Raaaaaah non ! Ne pas calculer, courir c'est tout, garder son énergie uniquement pour les jambes le coeur et les poumons, tout le reste est secondaire ! Mon cerveau s'est éteint (facile, ça) , et j'avance en mode robot, je ne me sens pas bien mais cela ne m'atteint pas. On attaque une longue descente qui me permet de récupérer un peu tout en accélérant le rythme. Je gagne de nouveau du temps sur mon objectif et retrouve le sourire. Je continue comme ça jusqu'au 36ème kilomètre. Plus que 6km à parcourir, finalement ça va le faire facilement me trompais-je lamentablement ...
36ème kilomètre, deuxième coup de bambou en plein dans la tête et dans les jambes.

Houlà, celui-la il fait mal ! Fin de la descente on rattaque le plat, et on voit déjà l'arrivée, le fameux jet d'eau de Genève. Il parait à la fois accessible et pourtant si loin : désespérant. Je n'ai plus rien dans les jambes, je baisse totalement la vitesse pour continuer à vivre, et me répète que je ne dois pas marcher et continuer à courir. Il faut se rendre à l'évidence ce n'est pas faisable alors je change de stratégie : j'alterne course et marche. Courir vite, marcher, courir vite, marcher. Clopin-Clopant j'arrive au ravitaillement du 38ème kilomètre. J'y prends mon temps : un verre de boisson énergisante et 2 verres d'eau claire dans le gosier, un troisième sur la tête et la nuque. J'ai l'impression d'être un oeuf cuit-dur. Je bouillonne, il fait beaucoup trop chaud pour moi ... 4km à galérer, dur dur. Le chemin de croix reprend, heureusement il y a foule à partir de là jusqu'à l'arrivée. Je continue à alterner, j'entends mon prénom (merci au dossard) et les gens qui m'ordonnent de m'accrocher, ce que je fais, curieusement avec le sourire, riant de mon incapacité à courir plus de 30 secondes sans devoir de nouveau marcher. Je croise un supporter typé antillais taillé comme une armoire qui me fait rire avec son accent fortement marqué, me disant de courir. Je lui demande s'il veut bien me porter jusqu'à l'arrivée, il me répond hilare qu'il veut bien le faire mais que je risque d'être disqualifié et qu'il ne sait pas si ça vaut le coup. Je rigole et lui tape dans la main. Lui me tape dans le dos avec une force inouïe (ou est-ce moi qui suis carrément faible ?) et je reprend ma course avec un peu plus d'entrain : 1km entier sans marcher ... trop fort !!! 40 ème kilomètre de nouveau plus de jus, mais rien, nada, que dalle ... bon ben marche mon con ... Je passe au niveau d'un gars lui aussi dans le dur

(David d'après son dossard) je lui dis de s'accrocher que c'est dur pour tout le monde, il se remet à courir et me dit dans un souffle "emmène moi à l'arrivée en 3h30 stp" Euh ... ouais ... je suis mort mais ... allons-y ... Cette responsabilité inattendue, curieusement, m'a ultra remotivé ! Je regarde ma montre : 2 km en maximum 10 minutes et l'objectif sera atteint. Le premier de ces deux kilomètres sont engloutis en 4'59 cool : 1 seconde d'avance. Mais David lâche il ne tiens plus. Il me lance : "vas-y continue sans moi, j'ai plus rien, fais ta course". Une seconde de doute : le lâcher et continuer ma course ou l'attendre et rater mon objectif. Je m'arrête et me retourne pour l'observer : il est à l'arrêt les mains sur les genoux, à bout de force. Il lève la tête et me regarde énervé : "Court, je te dis, t'inquiète pas, chacun sa course" me crie-t-il ! Et au fond, il a raison, la course à pied est une compétition entre sois et sois-même, donc je me dois de continuer. 1km et 195m je n'ai plus de force mais j'ai l'énergie du désespoir j'accélère encore et encore, le visage grimaçant, la foule est nombreuse on se croirait au tour de France ! Le mollet à deux doigts de cramper je m'accroche et passe la ligne d'arrivée en 3h27min41s !
Après la course :
A peine arrivé, un homme m'interpelle : "Bonjour, la "tribune de Genève" journal local, vous avez deux minutes à m'accorder ?" Yeux écarquillés, j'essaye de comprendre : suis-je en train de me faire interviewé ? Ben oui, rigolo, même si remettre ces idées en place pour répondre à des questions (pourtant faciles) à peine quelques secondes après avoir terminé un marathon relève de l'exploit. Il me demande mon avis sur la course, les points positifs et négatifs. Je lui répond que dans l'ensemble tout est positif et que seule l'heure de départ tardive représente un point noir, nous obligeant à courir aux heures les plus chaudes de la journée. J'enlève mes manchons de mollets, il me remercie et je file me mettre à l'ombre.
Je tombe sur trois mecs en sale état : l'un est assis en tailleur le regard dans le vide, le deuxième est penché en arrière jambes tendues et grimaçant, le troisième est allongé sur le côté, limite PLS. Je les considère quelques instants, et éclate de rire : "houlà, la tête des bonhommes !!!" Ils me regardent à leurs tours et l'un d'eux me lance "je crois que tu as pas vu la tienne !". On se marre tous ensemble et on se congratule.
C'était ça en fait ce marathon de Genève : de la souffrance entrecoupée de sourires

Résultat final : 191ème sur 1564 en 3h27min41s soit 12,19 km/h et 4:55/km
Record personnel battu de 9min50s
Récapitulatif de ma course : https://www.strava.com/activities/1553437907
Pour connaitre en détail les changements apportés à ma préparation de ce marathon réussit par rapport à mon précédent échec : continuer sur cet article.
Site officiel :
https://www.harmonygenevemarathon.com/
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