Le tout premier trail couru en France
- Le Coureur Ordinaire
- 26 août 2018
- 4 min de lecture

Nous l'avons vu il y a quelques temps, le tout premier marathon couru en France date de 1896 (voir cet article). Mais qu'en est-il pour le premier trail ? Le succès de la discipline semble bien plus récent donc cette première ne doit pas remonter à très loin ... Pas exactement, le tout premier trail couru en France date de 1904 : le trophée de
Vignemale. Enfilez vos plus belles chaussures et suivez-moi!
Notre histoire commence le 24 Juillet 1904 et prend place à Cauterets, petite ville des Hautes-Pyrénées, en région Occitanie comptant un petit millier d'habitants et connue
pour être à la fois une station thermale et une station de sports d'hiver.
Début 1900, une petite guéguerre oppose les guides de Cauterets d'un côté et ceux de Gavarnie de l'autre. Pour faire simple : les guides de Cauterets situés à basse altitude estiment entendre beaucoup trop parler de ceux de Gavarnie situés bien plus haut et qui ont la réputation d'être les meilleurs guides de la région. Pour faire taire les spéculations, une course est organisée. Elle se déroulera le dimanche 24 Juillet 1904 et opposera professionnels et amateurs de la montagne, divisés en deux catégories, "guides et bergers" pour les professionnels et "touristes et chasseurs" pour les amateurs. Evidemment
tous les guides de la région font le déplacement.

Le parcours n'a rien a envier à un tracé actuel : 54km pour 2363m de dénivelé positif. Le départ et l'arrivée se faisant sur la Place de la Mairie de Cauterets, les coureurs doivent rejoindre le Lac de gaube (1720m) puis les Oulettes de Gaube (2150m), Hourquette d'Ossoue (2730m), le refuge de Baysselance (2651m) puis le Pique Longue (point culminant à 3298m). La descente et le retour se faisant par le Col de Labas, Estom, la Vallée du Lutour et enfin la fruitière. Tout un programme ! Evidemment a cette époque, pas de T-shirt technique, pas de sac à dos, pas de gel, ni rien de tout ça ... La plupart des coureurs "professionnels" partant en chaussures à semelles de cordes, les "amateurs", eux, n'ayant aucune chaussure pour ce genre de périple prennent le pari de partir pied nus ... (si, si !) Les uns et les autres emportent tout de même des bâtons de bergers pour s'aider dans les côtes.
Le départ est donné en deux fois : 4h12 du matin très précisément les coureurs amateurs prennent le départ, suivis à 5h02 par les professionnels de la montagne. Très rapidement la bataille s'engage entre Cauterésiens arborant leurs vestes bleues et les Gavarniens vêtus de vestes brunes. Le parcours est d'une technicité incroyable : pour monter à la Hourquette d'Ossoue il faut gravir un glacier de 700m de dénivelé et la montée au point culminant au Pique Longue s'apparente purement et simplement à de l'escalade !
Au premier point de contrôle situé à la Hourquette d'Ossoue, parmi les amateurs c'est Henri Sallenave qui pointe en premier en 3h08min. Il parviendra au sommet de la Pique Longue en 5h00min puis après une longue descente et la montée au col du Labas son dernier pointage avant l'arrivée sera de 5h58min. Malheureusement avec les années son temps final à disparu mais on sait quand même qu'il est le premier des coureurs amateurs.

Du côté des professionnels c'est Antoine Catala qui arrive en premier à la Hourquette d'Ossoue en 2h20min suivi de prêt par les frères Dominique et Jean-Marie Bordenave en 2h34. Antoine Catala gardera la tête de la course jusqu'au sommet de la Pique Longue accomplissant la partie la plus technique du parcours en 3h33min. Il perdra ensuite sa première place en quelques minutes lors de glissade en tout genre avant d'attaquer la longue et pénible ascension du col de Labas où Dominique Bordenave signe en premier en 4h18min suivi de prêt par son frère Jean-marie en 4h23min, Dominique Catala, lui compte 2min de retard sur la 2nde place. La fin de la course sera plus rapide, sur un parcours bien plus roulant le long de la Vallée du Lutour. Catala perdra sa troisième place au dépend de Baptiste Labasse. A l'arrivée, ce sont 3
Cauterésiens qui montent sur le podium:
Jean-Marie Bordenave en 6h01 (8,98 km/h soit 6'41/km)
Dominique Bordenave en 6h06 ( 8,85 km/h soit 6'46/km)
Baptiste Labasse en 6h17 (8,59 km/h soit 6'58/km)
Les guides de Cauterets ont largement dominés la course et ceux de Gavarnie font grise-mine à tel point que lors de la seconde édition de la course, en 1906, aucun d'entre eux ne prendra le départ, ce qui rendra la course bien moins palpitante. C'est encore Jean-marie Bordenave qui remportera la première place.
Il donnera plusieurs interviews où il distillera de précieux conseils pour courir dans de bonnes conditions cette épreuve. Parmi eux, être polyvalent : savoir courir vite, marcher fort, être bon en escalade et connaitre la progression sur glacier. Point de vue nutrition : un régime à base de ventrêche (porc salé), de pastet (gateau), voire de touradisse (pâte de maïs) est un plus pour affronter le froid des glaciers. Niveau matériel il recommandera le port d'espadrilles à semelle de corde pour une meilleure accroche sur les rochers et sur la glace (?!), également, un baton de bois sec et solide dont la hauteur atteint le menton aussi bien pour les montées que pour les descentes. A autre époque, autre moeurs !
Comments